En 1971, dans son film “Husbands”, John Cassavetes mettait en scène les états d’âme de trois copains convoqués à l’enterrement d’un quatrième à la manière d’une déambulation à l’intérieur d’une crise dans l’âge d’homme.Le spectacle de Samuel Mathieu obéit aux mêmes ressorts dramaturgiques en présence directe avec le public. Ce que le cinéma conserve, le spectacle le révèle et il fait événement dans l’exposition d’une agrégation d’individus et dans leur singularité.Il fallait donc quatre interprètes solides, quatre solitudes rassemblées dans cette entreprise de strip-tease déplacé, sans autre motif que de donner en partage l’accablante vanité de se croire unique et le triomphe pitoyable et proclamé de s’associer dans une existence commune (la bande ou le boys band).
Dans cette partition à quatre, la parole cède ici sa place à une figure chorégraphique récurrente résumée dans la prise : prise d’espace, véhémente et frontale à plusieurs reprises, plus discrète dans le tracé de l’intimité ou le suivi de l’inavouable de l’état de solitude, prise de corps aussi, on s’attrape beaucoup chez ces garçons et dans une grande variété de procédures gestuelles de contact. Dans cette captation permanente du corps de l’autre, le poids devient mesure du temps et les âges différents des quatre interprètes se mesurent à leur capacité à littéralement peser sur l’autre.La sentimentalité un peu pathétique, voire ridicule des hommes ivres de Cassavetes, prend ici une autre dimension dans l’épuisement des quatre interprètes défraîchis assis autour du ring au cours d’une pause incongrue au mitant de la pièce, pause au cours de laquelle chacun se reconstitue comme à la mi-temps du match, boit un peu d’eau et laisse flotter son regard sur le partenaire ou l’adversaire. Ensuite, on regardera encore les hommes tomber, titubant drôlement dans une langue héroïque et martiale pour se ramasser ensemble dans une séquence finale au bord du plateau, comme poussés dans leur ultime retranchement. Alors, à quoi songent les hommes dans le négligé de leur intimité ? A l’éternité peut-être, telle qu’elle évoquée par l’acte d’amour suggéré, « façon trash » par la bande–son, à l’éternité peut-être.